Face à une pénurie de profils IT, le no-code apparait comme une alternative intéressante pour répondre aux enjeux technologiques. Quels sont les avantages à passer au no-code ? Le no-code n’est-il réservé qu’aux profils métiers ?

Ce mois-ci nous avons eu la chance d’échanger avec Pierre Launay, Président du Syndicat Français des Professionnels du NoCode (SFPN) et CEO du groupe Cube.fr.

Invenis – Pouvez-vous nous définir ce qu’est le no-code ? En quoi est-ce différent du low-code ?

Je définirais le no-code comme un nouveau langage de programmation. 

Ce n’est pas tellement une révolution, mais c’est une nouvelle manière de développer des produits, tout comme on développe en C++ ou en Python par exemple.

La différence tient dans l’aspect visuel du no-code. Au lieu d’écrire des lignes de code, on va programmer visuellement, via du « drag and drop », du « glisser-déposer » pour créer des outils métiers, comme des applications, des sites web… On peut ainsi créer des environnements complets, sans coder.

Par extension, le low-code est également un langage de programmation, qui, au contraire du no-code, permet de rajouter du code traditionnel dans un environnement en no-code, si besoin. 

En granularité, on aura donc le code, le low-code et le no-code.


Pour compléter mes propos, je dirais que le no-code et le low-code proposent une nouvelle façon de développer. Il y a toujours des bases de données, des API, un environnement full-stack… mais la méthode est différente car c’est plus visuel. 

D’ailleurs, il n’y a pas d’effet magique dans le no-code. L’aspect « magique » du no-code est le pire message qu’on ait pu envoyer au début, car cela a provoqué une levée de boucliers de la part des développeurs ! Alors même qu’ils ont aussi de nombreux avantages à utiliser des outils en no-code.

Qui sont les utilisateurs de ces outils no-code ? Selon moi, on peut les classifier en deux catégories :

  • Les « citizen utilisateurs » : ils ne viennent pas de la Tech, ne savent pas ce qu’est un « Front », un « Back » et trouvent de l’intérêt dans les outils no-code car ils leur font oublier l’aspect technique. Ils vont ainsi, sans le savoir, commencer à coder des applications pour leur besoin métier. Parfois de petites applications pour répondre à un besoin spécifique, pas forcément une application scalable, mais qui fonctionne.
  • Les profils « développeurs » : 

    Parmi eux, les développeurs traditionnels, qui voient dans le no-code et le low-code une opportunité d’aller plus vite sur certains aspects, par exemple pour créer des interfaces templatisées dans lesquelles leur valeur ajoutée est limitée, et vont garder leur casquette de développeur pour les aspects à plus forte valeur ajoutée (par exemple sur l’algorithmie).

    Et enfin, les « Product Builders », qui sont un nouveau profil, entre le « citizen développeur » et le développeur traditionnel. Ils forment un pont entre ces deux structures et jouent un rôle hybride afin de traiter tous les cas d’usage qui se prêtent au low-code et au no-code, au service des métiers.

    D’ailleurs, le profil de « Product Builder No-Code » a été reconnu fin 2023 par France Compétences comme un métier émergent en particulière évolution. Nous avons œuvré au sein du SFPN (Syndicat Français des Professionnels du NoCode) à la reconnaissance de ce métier, que l’on rencontre de plus en plus et qui permet aux entreprises de mieux voir une réalité concrète.

    Le Product Builder représente un réel besoin des entreprises et synchronise un nombre important de compétences : communiquer, « builder », recueillir les besoins, analyser la sécurité des outils…  La reconnaissance de ce métier le rend désormais concret et va permettre aux entreprises de mieux cibler leurs besoins en termes de compétences.

    Invenis – Gartner prévoit que d’ici 2025, 70% des applications utilisées par les entreprises seront développées en no-code. 

    Le no-code, est-ce nouveau ?  Pourquoi le développement d’applications no-code s’est-il accéléré depuis quelques années ?

    Le no-code n’est pas nouveau, le low-code non plus. 

    En revanche, c’est une évolution technologique qui est vraiment en train de se cristalliser depuis 4 à 5 ans dans son appellation marketing. 

    Les principaux outils, les outils les plus mûrs, ont aujourd’hui environ une dizaine d’années de maturité.

    Entre 2010 et 2015, les outils américains ont émergé et ont pu consolider une belle avance sur le marché grâce à de nombreuses levées de fonds. 

    C’est le cas par exemple de Airtable ou encore Bubble, qui a par exemple d’abord levé plus de 6 millions en 2019 puis 100 millions de dollars en 2021. Ces financements ont permis à ces entreprises de consolider leur présence sur le marché, construire des produits robustes et communiquer dessus. Ils ont ainsi pris une avance considérable, se sont exportés et ont ainsi créé un marché du no-code.  

    Le marché français, quant à lui, est dynamique depuis 2015, et l’essor des solutions no-code françaises s’est accéléré depuis 2020. 

    Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet intérêt croissant :

    • Tout d’abord le Covid. Durant la période de confinement, de nombreux professionnels se sont retrouvés à travailler sur des projets jusque-là jamais adressés auparavant, avec un sentiment d’urgence. Les outils no-code ont représenté une opportunité de pouvoir délivrer de nouvelles applications, dans un contexte de ressources limitées.
    • Des dizaines d’années de levées de fonds, qui permettent aujourd’hui d’avoir sur le marché des solutions robustes et fiables. Et donc de démocratiser ces solutions.

    Cela a permis une adoption des outils no-code dans les organisations et une démocratisation du terme de no-code. Désormais, nous le terme est connu et les outils rentrent petit à petit dans les organisations !

    Et cela se comprend, car le no-code arrive avec une promesse de taille : la digitalisation accessible, à moindre coût et avec des ressources limitées. 

    Quand on sait que seuls 0,3% de la population sait coder dans le monde, le no-code vient réduire cette barrière à l’entrée de la digitalisation et répond à ce besoin concret de technologies, dans un monde dans lequel elle est désormais fondamentale. 

    Le no-code vient ouvrir également la palette d’opportunités pour se digitaliser. 

    Pourquoi payer pour des outils traditionnels dont je n’utilise que 10% des fonctionnalités alors que je peux créer mon outil sur-mesure simplement en no-code ?
    En construisant sa propre solution en no-code, on customise le produit idéal pour son organisation, tout en réduisant les coûts. La promesse est intéressante.

    Il y a cependant une échelle de temps à prendre en compte dans l’établissement de ce nouveau marché des outils no-code. 

    En effet, comme pour toutes les technologies, il va falloir dépasser les étapes des mise en place de « Proof of Concept » (POC), de « Minimum Viable Product » (MVP) pour passer à l’échelle et industrialiser ces produits no-code. Dans un marché dans lequel le « legacy » est important, dans lequel le nombre d’outils est important, le no-code doit trouver sa place et la prochaine étape du développement d’outils no-code se trouve ici : dépasser les phases de test et créer un eldorado !

    Invenis – Quels sont les principaux avantages d’un outil no-code dans une organisation ? Que répondez-vous à des organisations qui seraient réticentes à passer au no-code ?

    Le principal avantage du no-code, c’est la rapidité de développement.  Avec du no-code, on fait 90% du travail en 10% du temps d’un développement traditionnel. 

    L’effet mécanique de ce gain de temps est la rationalisation des ressources. On l’a vu tout à l’heure, les profils techniques se font rares et aujourd’hui, mettre en place des projets digitaux nécessite une dépendance à la DSI sur de nombreux sujets.

    Le no-code vient changer ce paradigme et offre une possibilité de libérer du temps à l’IT en déployant des cas d’usage qui ne viennent pas remplir le backlog de la DSI. 

    Ce mouvement vers une plus grande autonomie des métiers est inéluctable. 

    En effet, leurs besoins en projets et outils digitaux explosent, continuant d’alimenter l’engorgement de l’IT. Cela ralentit la digitalisation des entreprises alors même qu’elle est nécessaire.

    A l’inverse, le no-code, le low-code et j’ajouterais l’Intelligence Artificielle rendent accessible la possibilité de « faire », de créer des produits digitaux en toute autonomie et constituent ainsi une réponse pour désengorger l’IT.

    Bien sûr, il y a des réticences à l’usage du no-code. Celles dont on me fait part régulièrement concernent souvent la peur de perdre le contrôle dans la gestion des outils développés en interne, et par ricochet, la peur de voir augmenter le Shadow IT.

    Récemment, j’ai assisté à une conférence dans laquelle Yann Barthelemy, Responsable de pôle SI à la Société Générale expliquait qu’ils avaient dû interdire l’usage de Chat GPT pour éviter l’absence de contrôle sur l’outil. Selon lui, pour mieux accueillir et gérer cette révolution du no-code, il faut mieux cadrer et organiser les produits digitaux en entreprise. Comment gérer ces applications ? Comment s’assurer de ne pas réduire la dette technique d’un côté pour en remettre ailleurs ? 

    Parallèlement à cela, deux autres questions deviennent extrêmement importantes : la question de la responsabilisation (qui est responsable de ce produit et de sa maintenance ?) ainsi que la pérennisation de ces produits (que devient ce produit en cas de départ d’un collaborateur ?).

    Ces nouveaux enjeux sont identifiés par les grandes entreprises. Et c’est une réalité, cette révolution technologique pousse les DSI à se réorganiser pour mieux encadrer ces nouveaux produits et la tentation du Shadow IT qui va avec. 

    Je crois profondément que les DSI vont peu à peu se réinventer et vont jouer un rôle « d’encadreur » des produits digitaux dans les entreprises. Et à terme, les entreprises les plus compétitives seront celles qui réussiront à encadrer les besoins et les réponses : qui fait quoi, et avec quels outils. 

    Invenis – On parle souvent du no-code comme des outils permettant à des profils non-techniques de s’emparer de sujets techniques.

    Je ne sais pas si l’on peut dire que le no-code représente une révolution pour les profils techniques. Mais ce qui est sûr c’est que de nombreux profils techniques peuvent « faire » différemment grâce au no-code et aux perspectives qu’il offre. 

    Le no-code permet d’avoir une approche modulaire, en mixant les approches entre des développements en code et en no-code. Cela offre de nombreux avantages pour des profils de développeurs, comme gagner du temps et se consacrer à des développements plus complexes qui requièrent de l’algorithmie et sur lesquels leur valeur ajoutée est plus importante, ou encore en s’affranchissant de maintenir du code pour certains projets.

    Le no-code représente aussi une nouvelle façon de travailler et de nouveaux outils pour ces profils plus rares. C’est une opportunité aussi d’ouvrir leur champ des possibles et de gagner en compétitivité sur leur métier en leur permettant de mieux gérer leurs compétences et maîtriser un environnement plus large.

    Invenis – Quels sont les atouts actuels de l’écosystème Français du no-code ?

    L’écosystème Français du no-code est constitué principalement de deux associations :

    • Le Syndicat Français des Professionnels du No Code (SFPN), dont je suis le Président, qui a été créé il y a trois ans et a pour vocation de rassembler tous les acteurs professionnels du No Code, promouvoir la filière et travailler sur des projets transverses de valorisation du secteur. 

    Nous travaillons par exemple sur le projet de création d’une norme pour harmoniser les pratiques et les standards du no-code avec l’AFNOR en 2024. Le Syndicat organise également le No Code Summit, qui se tiendra cette année les 16 et 17 octobre à Station F, qui rassemble tout l’écosystème du no-code. Nous organisons aussi de nombreux événements partout en France, afin de fédérer les professionnels du no-code.

    • La communauté No-Code France (NCF), une communauté qui rassemble à peu près 10 000 personnes, professionnels ou non du no-code et qui vise à évangéliser le no-code au quotidien.

    Et toutes les belles solutions de l’écosystème, bien sûr !

    On pousse ces technologies, car elles peuvent répondre aux problématiques et aux besoins des entreprises. Et dans quelques années, je pressens que les outils no-code seront aussi diffusés dans les entreprises que la suite Office !

    Pierre Launay est CEO / Co-fondateur du groupe cube.fr et Président du Syndicat Français des Professionnels du NoCode (SFPN), organisateur du NoCode Summit.

    Le groupe Cube comprend 2 activités coeur : 

    • Une première activité de développement d’application externe et interne réalisé sur des technologies NoCode/LowCode à destination des startups, scale-up et grandes entreprises (cube.fr) ; 
    • Une seconde activité en tant qu’organisme de formation reconnu par l’Etat, proposant des formations B to C et B to B, en format bootcamp intensif et au travers de cours en e-learning  (ecole.cube.fr)

    Photo de Robs,  Diego PH sur Unsplash

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