Dans un contexte de crise sanitaire inédit, et certainement à venir de crise économique, la santé est au centre de toutes les attentions, de toutes interrogations, de tous les débats.
Et en son cœur, les instituts et les administrations de santé, les centres de recherches et les laboratoires.
Alors, comment s’adapter, comment envisager le présent et surtout, comment anticiper, à plus long terme ? Et quel est le rôle que joue la donnée, la data au centre de ces questions ?
Nous avons posé la question à Pascal Bécache, cofondateur et dirigeant du Digital Pharma Lab.
Pascal Becache : Premièrement, en amont de la chaine, les données sont cruciales et permettent d’abord d’alimenter la recherche scientifique, médicale, moléculaire, biologique et pharmaceutique. Nous disposons déjà d’énormément de données sur le vivant, sur la chimie, les molécules, sur les cellules, sur leurs interactions, et tout cela est porteur d’un nombre infini de nouvelles données de recherche. Ces données, avec la modélisation informatique, vont permettre d’éviter dans un premier temps des essais avec les molécules par exemple et faire gagner beaucoup de temps sur les essais cliniques.
Deuxièmement, il y a la donnée concernant les patients. Chaque patient se comporte de façon différente. Par exemple un patient va prendre un médicament un jour, l’oublier ensuite, le prendre à 8h, puis 9h. Le médicament va lui faire du bien puis moins de bien le jour suivant. Il se passe donc un nombre considérable d’évènements qui sont importants pour la recherche médicale et scientifique, pour comprendre comment individuellement et collectivement nous nous soignons, comment nous nous comportons face à notre santé, comment nous pouvons faire de la prévention (ce que nous appelons la santé publique).
Nous pouvons donc mieux connaître nos habitudes en termes de santé, comprendre comment mieux protéger la population, comprendre comment empêcher la survenue d’une épidémie d’une part, mais aussi d’autres maladies. Plus nous disposerons de données, plus nous pourrons faire de diagnostics d’une personne automatiquement, en utilisant l’Intelligence Artificielle, en aidant les médecins sans les remplacer, en les complémentant.
En résumé, les principaux enjeux pour les laboratoires ou les institutions, sont connaître, avoir plus d’informations, comprendre, aider à accompagner les patients, le médecin, et anticiper/prédire.
P.B. : Le travail de l’ensemble des acteurs de la santé aujourd’hui est, petit à petit, en cours d’évolution. Au départ, Il y a beaucoup de réticences avec cette peur d’abandonner le côté humain pour les soignés et d’être soigné par une machine (même si une machine dans certains cas va pouvoir mieux diagnostiquer, avec certes moins d’empathie). Il est cependant impensable aujourd’hui de continuer à être un laboratoire leader, public ou privé, sans avoir accès à un très grand nombre de données de la vie réelle, des données scientifiques. Cela fait déjà un certain temps que l’analyse de données a fait irruption dans la recherche fondamentale.
Avec la multiplication des données, des sources de données avec les objets connectés par exemple, avec notre demande à tous, de plus en plus forte, de vivre mieux et plus longtemps, nous acceptons d’un certain coté d’être instrumentés, avec notre smartphone aujourd’hui, ou les objets connectés demain, qui mesureront notre tension. Cette démarche se démocratise progressivement dans tous les laboratoires/entreprises, petits ou grands (dès que les payeurs ont été identifiés !), même si nous ne savons pas la durée que cela prendra. Tous les acteurs considèrent aujourd’hui qu’il faut mettre la donnée au cœur de sa réflexion, même si quasiment personne ne l’a encore fait. Il est nécessaire que les esprits évoluent et que des nouvelles personnes arrivent pour aider à l’évolution de ces esprits.
Il est important que les laboratoires continuent à être très attractifs. Et plus généralement tout le secteur de la santé doit être attractif, pour permettre à des personnes nouvelles d’amener ces idées nouvelles d’utilisation de la donnée de façon plus massive. C’est en train de se faire.
La santé, au cœur de nos préoccupations, est un secteur apportant de la valeur, pas seulement marchande, car il y a encore beaucoup de découvertes à faire pour l’intérêt individuel et commun. Beaucoup d’étudiants de grandes écoles s’intéressent maintenant au secteurde la santé, alors qu’avant ces mêmes personnes se seraient intéressées au secteur de la banque et de la finance.
P.B. : Le plus grand chantier est d’accélérer au maximum la découverte de nouveaux traitements, y compris de traitements digitaux. Un traitement digital consiste à faire un diagnostic de certaines maladies avant d’avoir des signaux biologiques. Par exemple, en analysant comment nous tapons sur notre clavier, nous pouvons détecter la maladie de Parkinson avant sa détection biologique, et ainsi la traiter bien avant pour limiter et retarder ses effets.
Un deuxième exemple de chantier est l’accélération des études cliniques. Avec la crise du COVID, nous souhaitons tous un vaccin le plus rapidement possible. Aujourd’hui, développer un vaccin est très long notamment avec la durée des essais cliniques. 2 ans n’est plus entendable aujourd’hui. Il nous faut donc trouver un moyen d’accélérer et le digital peut être un formidable accélérateur. Si nous arrivons à acquérir et traiter plus rapidement les données des patients, nous allons naturellement accélérer, et pas seulement pour le COVID, mais pour l’ensemble des médicaments. Les traitements vont pouvoir arriver sur le marché plus tôt et donc donner plus de chance aux patients.
Le troisième chantier consiste à automatiser le diagnostic, la surveillance. La durée de vie augmente, la population augmente considérablement et le nombre de médecins suit tant bien que mal. Il va donc être nécessaire, en plus des médecins, d’avoir des assistants pour automatiser les diagnostics, la surveillance des patients, pour ne pas encombrer les hôpitaux par exemple. Un nombre de données considérable va être généré avec les nombreux systèmes de télésurveillance, de télédiagnostic, et il faudra en tirer parti pour faire progresser la science et la santé collective, car elles auront une vraie signification par leur nombre. L’enjeu est considérable.
P.B. : Il faut d’abord être extraordinairement curieux et regarder ce qui a été fait sur d’autres secteurs, ne pas s’arrêter à nos habitudes de faire. Par exemple, nous pouvons regarder comment ont été traitées les données de comportement sur internet, ou les données de comportement d’acheteurs, de voyageurs. C’est fondamental.
Il faut ensuite échanger avec des personnes qui ont un mode de pensée différent, voir à l’antithèse des grandes institutions, comme les startups. C’est ce que nous faisons avec Digital Pharma Lab, en faisant se rencontrer deux univers (startup et acteurs de la santé). Souvent, celui qui amène quelque chose à l’autre n’est pas celui que l’on croit !
Il faut enfin se doter d’une culture de la donnée digitale, sinon cela devient très compliqué !
A propos
Pascal Becache est cofondateur et dirigeant du Digital Pharma Lab, le 1er accélérateur de projets PharmaTech en Europe. Cet écosystème au service de l’innovation est composé de startups PharmaTech, des industriels pharmaceutiques et du dispositif médical, des institutionnels et des investisseurs, pour faire avancer le digital dans la santé. Si vous souhaitez en savoir plus sur Digital Pharma Lab, n’hésitez pas à consulter le site www.digitalpharmalab.com .